Benoît Albert

Professeur de guitare depuis septembre 2014 au Conservatoire à Rayonnement Régional de Toulouse ainsi qu’intervenant à l’ISDAT (Toulouse), je développe une pédagogie ancrée dans la tradition qui m’a été transmise tout en la reliant à mon savoir faire d’interprète de notre temps. Je travaille en collaboration avec les autres arts. La création, la composition, l’improvisation ainsi que l’utilisation des outils modernes tels que l’informatique, l’enregistrement ou le travail de sequences sont pour l’étudiant autant d’outils permettant un développement personnel et musical en pleine conscience.

Le conservatoire de Toulouse est un conservatoire historique pour la guitare puisque c’est la première classe en France crée en 1963 par Marc Franceries. C’est un établissement d’une grande exigence et délivrant un enseignement de qualité permettant une formation solide et complète. Pour la guitare l’équipe pédagogique comprend 2 professeurs et 1 assistant, nous accueillons les étudiants débutants à partir de 8 ans et les niveaux supérieurs sous réserve d’un concours d’entrée.

N’hésitez pas à consulter le site du Conservatoire à Rayonnement Régional de Toulouse et de L’institut supérieur des arts de Toulouse


Projet pédagogique

A – Les objectifs

La tradition classique est le socle idéal sur lequel peut s’installer les fondamentaux qui président au développement de l’étudiant guitariste. Répertoire, styles et cultures sont autant d’informations à intégrer tout en affinant toujours plus avant les outils que sont les techniques instrumentales, la compréhension du texte musical, la lecture à vue; c’est un processus sans cesse en devenir.

Ma pédagogie s’appuie donc sur ce socle de savoir-faire technique, historique et culturel élaboré par les générations précédentes que j’ai moi même acquis durant mes études et que je ne cesse de transmettre à mes étudiants.

  • maîtrise des techniques instrumentales permettant une interprétation convaincante
  • maitrise de l’interprétation selon les principaux styles
  • une culture ouverte à l’ensemble des courants musicaux passés et contemporains
  • la capacité à expliciter ses options d’interprétation
  • compréhension du «cercle vertueux» de l’instrumentiste lecteur.
  • je lis – je joue – j’écoute – je compare avec ce que j’ai lu – je modifie pour me rapprocher de mon objectif – je joue à nouveau – j’écoute à nouveau – etc….
  • connaissance d’un large répertoire individuel et collectif
  • la mise en situation de jeu : concerts, création de projets et de programmes cohérents.
  • organiser des projets transversaux qui privilégient la prise de responsabilité des étudiants
  • être acteur de son propre développement.

Vers une autonomie assumée, plus sereine et en pleine conscience.

B – Les moyens mis en oeuvre

Culturellement et donc musicalement rien n’est aussi figé que ce que nos études ont pu nous le faire penser. Il est vital de sans cesse remettre en question notre savoir-faire et nos angles d’investigation à la lumière de notre propre pratique quotidienne de pédagogue et d’artiste au sens large.

Avec les étudiants il convient de multiplier les angles d’expérimentation, de les guider vers des «traversées» pleinement assumées de leur propre pratique. Le pédagogue est en quelque sorte le passeur de cette traversée.

Ainsi, cette tradition que nous évoquions précédemment, peaufinée depuis des siècles serait orpheline si l’on ne veillait pas à sans cesse la relier au présent en actualisant ses objectifs, ses nouvelles influences stylistiques et à intégrer de nouveaux moyens et outils de réalisation.

Sur le plan des moyens techniques, nous ne pouvons pas en rester là, le monde qui nous entoure évolue grâce à des outils toujours plus adaptés que nous pouvons, devons intégrer à notre quotidien de pédagogue et de musicien. Ici mon expérience d’artiste joue un rôle prépondérant. Très tôt ma fascination pour les outils informatiques de notation musicale, de séquence rythmique, d’enregistrement audio et video s’est vite transformée en une utilisation systématique et raisonnée autant dans mes productions artistiques qu’avec mes étudiants.

Vers une meilleure intégration des outils modernes

Constat: de nos jours, il est toujours étonnant de voir et d’entendre des étudiants de haut niveau qui n’ont jamais fait l’expérience d’enregistrer quotidiennement leur production, de se filmer ou tout simplement de se poser la question de l’acuité rythmique et agogique de l’interprétation qu’ils élaborent. Le premier enregistrement arrive alors comme un choc, une prise de conscience: « c’est pas vrai, je joue comme ça…? »

1. L’enregistrement audio

C’est un domaine clef que l’interprète d’aujourd’hui ne peut plus ignorer. Les technologies modernes à ce sujet ont fait des progrès absolument vertigineux tant par la qualité que par l’accessibilité financière et ergonomique des enregistreurs numériques, sans parler de la possibilité de s’enregistrer directement sur les ordinateurs, téléphones portables et autres tablettes.

Il est aussi très surprenant de constater à quel point les étudiants n’utilisent que très peu cet outil qui leur permettrait d’écouter leur propre production et de valider ou non leurs choix esthétiques et techniques.

L’exécution d’une oeuvre au début du cours peut être l’objet d’un enregistrement sur lequel l’étudiant et l’enseignant s’appuient afin d’échanger sur les choix de tempi, d’articulation, d’agogie ou de choix stylistique. Par l’écoute de sa propre production et le jeu de la distanciation l’élève peut mieux comprendre ce qui est conforme à sa vision musicale et ce qui au contraire l’empêche de progresser.

2. L’enregistrement video

La posture de l’instrumentiste, sa façon de gérer un passage techniquement délicat, d’entrer en scène, de s’exprimer en public, les scénarios de regards, tout ce théâtre musical qui bien souvent échappe totalement à l’étudiant peut devenir une réelle prise de conscience et faire l’objet d’un travail approfondi.

Mes multiples expériences de projets de création avec des metteurs en scène ou bien des danseurs et chorégraphes contemporains ont aiguisé ma conscience de la «représentation» dès le premier pas posé sur une scène et cela fait partie des données que je souhaite toujours partager avec les étudiants.

C’est aussi l’occasion d’aller vers d’autres disciplines artistiques qui placent le corps au centre de leur pratique.

3. Les séquenceurs rythmiques

Disponibles sur les différentes plateformes informatiques, les séquenceurs permettent une programmation extrêmement précise du discours musical.

En effet, la cartographie rythmique d’une oeuvre impose un véritable questionnement sur la structure, la cohérence des tempi et de l’agogie, elle impose également à l’étudiant une analyse formelle essentielle.

Ces «super métronomes» permettent d’aider et d’orienter l’étudiant vers une interprétation plus convaincante grâce à l’usage des «kits» de percussions variés, très adaptés à la pratique des styles musicaux d’inspiration populaire comme par exemple les mesures asymétriques de la région des Balkans.

Ces séquenceurs sont également très adaptés au suivi de programmes techniques et permettent de mesurer objectivement les progrès grâce à un contrôle fin des tempi par des systèmes de progressions par pourcentages.

Dans mon activité de concertiste, ma pratique quotidienne avec un séquenceur m’a permis d’affiner au plus près des interprétations, de m’approprier de manière quasi physiologique des oeuvres et leur restitution au concert devient ainsi d’une clarté impressionnante, sans parler de l’action bénéfique du rythme physiologique sur la mémoire.

Ma préférence va vers le logiciel très ludique qui se nomme «Doggie Box» pour les ordinateurs Mac, pour n’en citer qu’un seul. Il est présent à tous mes cours et permet en quelques secondes de faire des essais et de discuter autour de notions très subtiles comme le rallentando, le point d’orgue, le temps entre les différentes sections d’un thème et variations ou pourquoi, sur tel morceau, on peut constater une différence de ressenti rythmique entre 112 et 114 à la noire…

4. Les logiciels de notation: composition et arrangement.

Le désir d’écrire de la musique a toujours évolué en parallèle de mon cheminement d’instrumentiste. Le travail de composition est également étroitement lié à l’acte d’improviser qui est très souvent une pratique naturelle chez le guitariste débutant. Pour ma part, l’écriture m’a permis lentement de passer de l’autre côté de la partition et de comprendre beaucoup plus profondément les fondements de la notation musicale. Il m’est arrivé très souvent de comprendre profondément une notation musicale au moment de sa nécessité compositionnelle, comment ce signe peut justement «signifier» et nous mener vers l’intention musicale, quelle a été la motivation à l’origine de ce choix d’écriture, comment je peux le transmettre à mon tour en tant qu’interprète?

Enfin, l’écriture et l’arrangement permettent de comprendre les structures et les scénarios musicaux qui sont si importants à saisir afin d’accéder à une interprétation convaincante.
Ainsi, je demande aux étudiants, petits ou grands, de noter leurs idées musicales, de les structurer, de les développer et de les remettre en jeu dans l’improvisation.

Vers un musicien plus complet

A 30 ans, c’est à dire il y a une quinzaine d’années, lorsque je suis sorti du C.N.S.M.D.P. avec un diplôme de formation supérieur en main, je me suis immédiatement tourné vers un travail «multi-arts» avec l’ensemble mixte la Cie des Arts. Il s’agissait d’un véritable besoin, quelque chose qui m’avait manqué durant mes études, un désir de découverte.

Véritable laboratoire de création où se côtoient la danse, la musique, la mise en espace, la video, les arts graphiques, etc… La Cie des Arts est depuis maintenant 15 ans le creuset d’expériences concrètes qui ne cessent de se réinjecter dans ma pédagogie: comment se préparer pour la scène, comment gérer des dispositifs multimédias, comment travailler avec des danseurs contemporains, classiques, avec un peintre, un graveur, en direction des enfants, des adolescents… Mon activité de compositeur m’a aussi permis de réaliser des projets de création avec des peintres, graveurs, cinéastes, photographes, sans parler des ateliers d’improvisation générative et de danse contemporaine.

La collaboration avec d’autres praticiens a toujours mis en perpective les virtualités de ma propre pratique laissées dans l’ombre. A l’intérieur d’un établissement d’enseignement ou d’une structure, ces collaborations sont également autant de liens, de «ponts pédagogiques» qu’il m’est aisé de proposer aux étudiants et ainsi de les guider en partageant ma propre expérience du terrain, autorisant une véritable pratique pédagogique transversale.

1. se ré-approprier son corps

La musique est liée au corps, elle est mouvement et danse, comment se ré approprier ce territoire ?

Durant le cours de mes études, le travail sur le corps s’est bien souvent limité à la posture générale et à des détails de technique liés essentiellement aux mains, bras et épaules. Je me souviens très bien les nombreux questionnements : le repose pied est-il bien adapté, la chaise n’est-elle pas trop haute, pourquoi ces douleurs à l’épaule droite, quelle est la différence entre tension, décontraction et tonicité ?
Par la suite les multiples expériences de mise en espace avec La Cie des Arts, en duo de guitares avec Randall Avers, avec la danseuse classique Laurène Seban, ou bien les collaborations avec le danseur contemporain Pierre-Michaël Faure, toutes ces traversées m’ont fait comprendre que le corps est l’outil principal de l’interprète. La qualité de la production musicale et scénique dépend de la qualité de préparation du corps, de la compréhension de son fonctionnement subtil lié à une pratique quotidienne et raisonnée, ce que les danseurs appellent l’échauffement ou « training ».

L’enseignement de la guitare doit s’appuyer sur les fondamentaux physiologiques et encourager l’interaction avec les enseignants des pratiques liées au corps.

2. re-connecter notre pratique avec l’improvisation

Il n’est pas si loin le temps où le compositeur, l’improvisateur et l’interprète ne faisaient qu’un, le temps où chacun de ces trois aspects de l’artiste musicien se nourrissaient mutuellement. Chaque année, je suis toujours fasciné d’entendre des enfants de 6 ou 7 ans commencer à prendre possession de l’instrument par exploration directe: ils improvisent, pratique qui se perd au fur et à mesure que s’installent les habitudes instrumentales. Pourquoi ?

Par expérience, les deux pratiques peuvent totalement cohabiter, s’enrichir l’une l’autre si l’enseignant encourage l’étudiant à vivre pleinement cette interaction, seul ou en ensembles.

L’improvisation, qu’elle soit libre ou liée à des consignes de structures ou d’utilisation de modes musicaux, est bien souvent le premier pas vers la découverte de son propre univers musical et mène inexorablement à la nécessité de noter ses idées et structures afin de ne pas les oublier: la boucle est bouclée.